"Tous ceux qui veulent protéger une société démocratique, ouverte, doivent absolument exprimer leurs opinions avec confiance, avec joie, et avec humour. Et l’art permet précisément d’explorer et d’expérimenter ces modes d’approches de la réalité, à la fois critiques et procurant du plaisir." Ralph Rugoff

Le zadiste est un oiseau libre !

La huppe m’a regardé en face

Salut ! je suis la huppe fasciée,
A mon retour d’Afrique, fin février,
Dans le marais Girard, en Vendée,
Plus d’arbres, plus de bassin qu’était-il arrivé ?
Oh surprise, des humains installés
Palettes et bâches, drôle d’humanité !
Et lui, ce barbu, lunettes et dos courbé ?
Il construit son nid avec les troncs coupés
Sur une branche de la haie, je me suis approchée
Mon chant trisyllabique, une onomatopée
Et le voilà qu’il m’aperçoit en levant son nez
Pas farouche, okay, mais je sais distance garder
Le temps pour moi de décoller

De mon vol bondissant et saccadé
Je repère limaces, chenilles, scarabées
Purificatrice d’Egypte je suis surnommée
Je niche dans une fissure, une anfractuosité
Ils me traitent de “sale huppe”, quelle grossièreté !
En effet mes déjections parfument ma maisonnée
Ainsi les prédateurs s’en tiennent éloignés

Construction, musique et potager 
Belles discussions devant la cheminée 
Ces gens ont l’air de bien s’amuser
Mais un après-midi ils se sont mis à crier
Des lumières bleues, toute une armée
Même leur bébé truie a été coffrée
Puis des flammes et beaucoup de fumée
Ils ont même cassé le poulailler
Pas dupe, ce n’étaient pas nos alliés
Des machines sont venues tout enlever
Les arbres restant ont été tronçonnés

Le sur-lendemain j’ai revu celui au dos courbé
Pieds nus dans les cendres de son nid cramé
Il sauvait des objets à demi calcinés
Puis je l’ai vu s’éloigner 
Vers la mer, par la dune, dans ses pensées
Alors je me suis décidée
A son côté je suis passée
Un houp houp houp pour me signaler
Devant lui je me suis posé
La veille, c’est là qu’i-elles avaient parlementé
Face à la mer je l’ai vu s’émotionner
Mon message emplumé était bien arrivé

A présent je suis la huppe fâchée !
La bataille n’est pas terminée
Mon espèce est en train de régresser
La destruction des haies, les champs pesticidés
Si ce coup-ci les machines ont gagné
Sachez que mon hiéroglyphe a donné le verbe bloquer
Et si du mauvais oeil je sais protéger
Je peux tout aussi bien leur renvoyer
Même Farid Al-Din-Attar nous a personnifié
La conférence des oiseaux va perdurer
Le marais Girard sera conservé
La dune retrouvera sa beauté !

Pedro de la Norme en délire

Ce poème a été écrit par un zadiste en réaction à l'incendie de la ZAD survenue en plein confinement, le 8 avril 2020, alors que les gardiens de la Dune aient été embarqués par les forces de l'ordre pour contrôle d'identité...

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